Les serviteurs de la loi à travers les siècles
L’existence des gardes particuliers est fort ancienne ; on en trouve traces aux temps les plus reculés de notre histoire. Mais on ne sait pratiquement rien de la manière dont ils exerçaient sous les rois des deux dynasties d’origine germanique, Mérovingiens et Carolingiens, qui se succédèrent pendant le demi-millénaire qui va de l’avènement de Clovis (481) à la mort du dernier descendant de Charlemagne (987). On sait seulement que le régime féodal faisait place à des rapports de force. Les ducs et comtes les plus puissants et les plus riches eurent tendance à devenir encore plus puissants en agrandissant leurs domaines. C’est donc à cette époque qu’apparurent un peu partout des agents domaniaux relevant du haut seigneur et révocable par lui. On les appelait Bayles et Viguiers (du latin Vicarii, remplaçant) dans le midi ; Prévôts (du latin Praepositus, préposé a) dans la France du nord et dans les fiefs ecclésiastiques. Représentants des intérêts seigneuriaux,
ils exerçaient l’universalité des pouvoirs et des prérogatives. Ils étaient à la fois administrateurs, receveurs des domaines, collecteurs d’impôts, chefs de milice, juges, et avaient autorité de police. Ils avaient auprès d’eux des auxiliaires directs appelés Bedeaux (du bas latin Pedum ou Bastum, à cause du bâton qu’ils portaient en signe de commandement ou des Messiers (du latin Messis, se rapportant à la moisson qu’ils étaient chargés de protéger — garde messier). Le principe de l’organisation des chasses, de la répression du braconnage et la surveillance des forêts, imposa également aux seigneurs l’emploi de gardes-chasse (« Garde » dérivé germanique « Wakta » ou « Wachta » qui donna le nom de Guet signifiant « Garde » ou « Veille »).
Plus tard, les propriétaires terriens sachant ne pas pouvoir compter sur une maréchaussée trop peu nombreuse et trop lointaine, ont toujours eu le souci d’assurer la surveillance de leurs terres et de leurs bois par l’emploi de gardes particuliers. La féodalité leur avait donné une légitimité à une époque où le pouvoir central s’était révélé hors d’état de protéger les habitants. On trouve même des lettres patentes de Charles V, en 1369, faisant déjà mention de l’existence de gardes champêtres. Une déclaration royale de 1709, qui les assimilait aux gardes des communes, leur avait conféré des obligations et des droits. Le code des délits et peines de 1795 entérinait cette situation qui fut ensuite confirmée par le code d’instruction criminelle de 1810. Chaque propriétaire avait la possibilité de faire agréer par le maire, puis à partir de 1892 par le préfet, un garde champêtre particulier, auquel était accordé, après assermentation, la prérogative d’officier de police judiciaire.
Ainsi, les gardes champêtres et forestiers, les gardes des communes et les gardes des particuliers étaient, aux termes des articles 9 et 20 du Code d’instruction criminelle, officiers de police judiciaire ; mais ils n’étaient pas officiers auxiliaires du ministère public.
On distinguait alors trois sortes de gardes particuliers : ceux spécialement chargés de la police de la chasse (gardes-chasse); ceux spécialement chargés de la police de la pêche (gardes-pêche) et ceux spécialement chargés de la garde des blés (gardes champêtres et gardes messiers).
Puis le Code d’Instruction criminelle de 1810 fut abrogé et remplacé par le Code de Procédure pénale. Les gardes particuliers furent donc incorporés dans ledit code, mais rétrogradés aux fonctions d’agents chargés de certaines fonctions de police judiciaire (art. 29).
Les réformes apportées par le Code de procédure pénal ont clarifié par la suite les compétences des gardes particuliers chargés spécialement de la police de la chasse et de la pêche en eau douce.
Les gardes particuliers ont ainsi fait leur apparition au temps féodal. Si ces serviteurs de la loi font preuve depuis plusieurs siècles de leur efficacité et de leur dévouement, aujourd’hui leur rôle dans la protection de la nature et leur action de proximité sur le terrain, sont devenus plus que jamais incontestables et indispensables.